Somaliland #2, Berbera

Berbera, vue du ciel

C’était peut-être la dernière étape du voyage, de ce segment du voyage, avant de rentrer en France pour les fêtes : Berbera, le golfe d’Aden, l’océan Indien ; une conclusion ouverte après tous ces mois nichés entre le Nil et la mer Rouge. Et puis à Hargeisa je me suis senti seul. J’avais besoin de compagnie, de discuter, et mes cinq mots de somali étaient bien loin de faire l’affaire. En plus de ça, l’argent liquide venait à manquer : avec le peu de cash retiré à Harar puis changé à Hargeisa, je pouvais tout juste tenir huit jours, en comptant bien. C’est comme ça que j’ai envisagé de mettre le cap sur Djibouti, et qu’à mon quatrième matin à Hargeisa, j’ai recompté mes dollars et mes shillings somalilandais : à coup de thés au lait, de samossas et de nuits dans un hôtel pas cher, je pouvais sereinement passer trois jours à Berbera.

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Berbera c’est une petite ville calme, flanquée d’un port en eau profonde bien utile pour l’Ethiopie depuis qu’avec la sécession de l’Erythrée elle a perdu ses accès à la mer.berbera ruines gosses

Dans le centre sont disséminés quelques immeubles de l’époque coloniale (Berbera a été la capitale de la Somalie britannique jusqu’en 1941), des mosquées ottomanes en ruine, d’autres mosquées plus pimpantes auprès desquelles les enfants du quartier organisent des parties de foot.

La mer n’est pas loin ; l’air marin s’insinue dans les ruelles, nous soulageant de la chaleur, la même chaleur que dans les villes égyptiennes de la mer Rouge. Les gens sont curieux mais pas harcelants, ils me demandent d’où je viens avec le sourire, parfois ils disent « Oh, France… France hates muslims… » et je prends du temps pour leur dire que non, qu’il y a bien sûr quelques connards comme partout, qu’on n’est certes pas un pays très pratiquant ; que dans l’ensemble c’est l’extrémisme qui nous emmerde, « like you, right? we don’t like the people using religion, pretending to be muslims: we don’t like ISIS [Daech], we don’t like murderers » et ils acquiescent. Le seul point d’achoppement, finalement, c’est la longueur de mes cheveux. On me demande souvent si je suis un garçon ou une fille, au bout d’un moment je ne réponds plus, je montre du doigt ma moustache et ma barbe et je m’en remets à leur esprit de déduction.

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Les meilleures en anglais, les personnes que je croise dans la rue et qui m’adressent la parole sans faute ni accent, et avec enjouement, ce sont les femmes, jeunes, en hijab ou en niqab, tout en noir. Mais j’ai envie de m’introduire chez elles la nuit pour javelliser leur garde-robe : en blanc, elles auraient moins chaud.

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Il y a quelques kilomètres de piste à descendre pour déboucher sur l’océan. La dernière fois que j’avais vu des vagues, des vraies, des rouleaux, c’était probablement à Tanger. La mer Rouge tient davantage du lac. Mais ici, ça y est, c’est le golfe, et au-delà, le grand large, l’Indien. En face, au-delà de l’horizon, c’est Aden. Le fantôme de Rimbaud n’est jamais très loin. Je me suis calé dans l’ombre d’une vieille benne pour bouquiner à l’ombre (Absalon, Absalon ! : ça peut parfois sembler un peu tiré par les cheveux, le style sans cesse contrecarré, presque poussif, ça peut sembler plein de trucs, mais c’est quand même un livre de haute volée. Je pense que j’en reparlerai dans un article djiboutien) en regardant picorer des échassiers au large bec noir. Le bain n’est pas rafraichissant (l’eau doit être à 28) mais c’est vivifiant, ces rouleaux.

Vers quatre heures de l’après-midi, le centre-ville s’ébroue, on remonte les rideaux de fer, les terrasses se remplissent de bancs, de chaises, les verres de thé au lait fleurissent sur les tables. Et elles sont jolies, les façades des boutiques de Berbera, en plus d’être bien pratiques pour les non-somalophones.

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